[Musique – Opéra – Grand Théâtre - Genève] Réouverture mythique du Grand Théâtre de Genève : Der Ring des Nibelungen / L'Anneau du Nibelung de Richard Wagner

Qui trop embrasse mal étreint. Lorsque plusieurs éléments se télescopent en un seul événement, mieux vaut scinder les articles pour éviter de trop perdre dans la confusion. Il sera donc ici question de la réouverture du Grand Théâtre de Genève avec Der Ring des Nibelungen / L'Anneau du Nibelung de Richard Wagner. Les articles suivants reviendront sur chacun des éléments de la Tétralogie wagnérienne.

Conçu par Jacques-Elisée Goss et inauguré le 2 octobre 1879 le Grand Théâtre de Genève connut un incendie terrifiant  le 1^er mai 1951 pendant une répétition de La Walkyrie. A nouveau opérationnel le 12 décembre 1962, le Grand Théâtre de Genève était à nouveau fermé pour trois saisons afin d’opérer une rénovation d’envergure et un agrandissement des espaces de travail d’environ 1000 mètres carrés. Les spectacles de cette période avaient été par conséquent déplacés à l’Opéra des Nations, théâtre éphémère qui avait été racheté à la Comédie-Française et qui, maintenant, va être démonté pour être livré à un acquéreur chinois. Ironie de l’histoire (et des retards de travaux), c’est avec la Tétralogie de Richard Wagner à laquelle appartient La Walkyrie  que le théâtre ouvre à nouveau ses portes… superstitieux, s’abstenir !

Pour ceux qui l’ignoreraient encore, L'Anneau du Nibelung (der Ring des Nibelungen) est un cycle de quatre opéras de Richard Wagner en un prologue et trois journées : L'Or du Rhin (Rheingold), La Walkyrie (die Walküre), Siegfried et Le Crépuscule des Dieux (Götterdämmerung) qui reprend une ancienne légende, liée à un anneau maudit forgé par les Nibelungen, un peuple de nains. Deux versions anciennes de cette légende sont connues : l'une scandinave, à travers l'Edda poétique et la Völsunga saga, l'autre allemande racontée dans la Chanson des Nibelungen.

Monter le cycle entier du Ring est une gageure à plusieurs titres. Il faut tout d’abord un  théâtre d’opéra qui ait la surface financière suffisante pour monter une œuvre qui mobilise les locaux pendant au moins un trimestre, qui convoque plus de 500 personnes entre les rôles, les chœurs, les musiciens,  les techniciens, les figurants. Il faut ensuite trouver le directeur musical qui ait l’habitude de diriger le Ring et un orchestre de plus de 100 musiciens pendant 15 heures de musique au total. Il convient ensuite de dénicher le metteur en scène ou le dramaturge ou les deux qui apporteront leur vision de l’œuvre et réussiront à définir un parti pris esthétique suffisamment fort pour emporter les spectateurs.  Il est en outre nécessaire qu’ils disposent d’une autorité suffisante pour diriger un tel plateau. Et enfin il faut trouver les rôles dont certains apparaitront dans trois des quatre volets. L’inconvénient a en même temps son avers : les spectateurs qui s’engagent pour le ring entier ne sont pas du genre à vous faire suer avec leurs bavardages, leur téléphone portable ou à quitter la salle à peine le rideau tombé. Les membres d e la communauté wagnérienne d’un moment finissent d’ailleurs par se saluer au troisième volet comme s’ils se connaissaient depuis toujours.

La Tétralogie proposée par le Grand Théâtre de Genève rassemble tous ces atouts sur le papier. La production proposée aujourd’hui est une reprise de la production de Dieter Dorn et Jürgen Rose des saisons 2012-2013 et 2013-2014 créée à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Richard Wagner. Le metteur en scène Dieter Dorn s’est appuyé sur le travail du  dramaturge Hans-Joachim Ruckhäberle, disparu en 2017 pour proposer sa vision. Le chef d’orchestre Georges Fritzsch qui fait ses débuts au Grand Théâtre de Genève n’est pas un inconnu des cercles wagnériens. Il a en effet déjà dirigé la Tétralogie eu Théâtre de Kiel ou Der fliegende Holländer (Le Hollandais volant) à l’Opéra de Stuttgart. Enfin deux des protagonistes qui apparaissent dans trois des quatre volets de la Tétralogie sont aussi des habitués des scènes wagnériennes. L’Islandais Tómas Tómasson qui tient le rôle de Wotan à Genève, s’est déjà illustré en Hans Sachs dans Die Meistersinger Von Nürnberg (Les Maîtres chanteurs de Nuremberg) au Komische Oper de Berlin ou Klingsor ou Amfortas dans Parsifal au Staatsoper de Berlin ou au Magyar Állami Operaház de Budapest. La Soprano allemande Petra Lang, qu’il devient inutile de présenter, se consacre quant à elle sur toutes les scènes y compris la prestigieuse scène de Bayreuth à l’œuvre de Richard Wagner.

Le défi a-t-il été relevé ? L’excellente impression sur le papier s’est –elle confirmée ? Réponse dès demain.