14 Juillet 2019
Opéra Orchestre National Montpellier - « A Midsummer Night’s Dream » - « Le Songe d’une nuit d’été » ©Théodore Charles/un-culte-d-art.overblog.com
Certains amateurs d’opéra ont dû apprendre par cœur l’ouvrage de Paul Watzlawick Faites vous-même votre malheur. En effet, quelques décennies plus tard A Midsummer Night’s Dream (Le Songe d’une nuit d’été), opéra en trois actes de Benjamin Britten sur un livret du compositeur et de Peter Pears d’après la pièce homonyme de William Shakespeare revient sur la scène de Montpellier dans une mise en scène de l’américain Ted Huffman qui semble avoir l’outrecuidance de passer après le grand Robert Carsen. Certes, les mises en scène de Robert Carsen confinent à l’exceptionnel mais n’est-ce pas se priver d’une découverte, d’un moment de plaisir que de ressasser pendant tout le trajet et tout le spectacle « Robert Carsen, c’était mieux ! » ?
Préfigurant sa résidence à Montpellier, Ted Huffman a donc placé la barre très haut en mettant en scène l’ouvrage sans doute le plus complexe à monter des œuvres lyriques tirées de William Shakespeare et dans un lieu où la production de Robert Carsen est encore bien présente dans les mémoires des spectateurs comme par encyclies. L’œuvre comme son nom l’indique est un songe mais c’est aussi une gigantesque mise en abyme, c’est une œuvre foisonnante qu’il faut savoir maîtriser, avec laquelle certains se sont tout permis allant jusqu’au grotesque assumé notamment dans le drame parodique de Pyrame et Thisbé joué pour le mariage de Thésée. Rendre lisible le complexe, là se niche évidemment le talent.
Ted Huffman a pris parti pour un onirisme total qui se marque dès l’ouverture du rideau : de la forêt magique siège de la majeur partie de l’œuvre, il ne reste qu’un plateau légèrement penché, presque dénué de décors sur un fond noir omniprésent envahi régulièrement par la brume. Presque dénudé car, clin d’œil à Joan Miro avec l’Échelle de la fuite ou à René Magritte avec les Effets personnels ? des échelles sur scène mènent directement aux nuages ou à la lune. Le réel et le rêve se confondent ainsi sur scène. Les figures blanchies des chanteurs incarnant les êtres féeriques revêtus de costumes « britishissimes » conçus par Annemarie Woods renforcent cette atmosphère. Enfin le traitement réservé au personnage de Puck surgi tête en bas depuis les cintres confirme le côté fantastique de la production. Il n’est ni adolescent, ni androgyne, ni ridicule, il est un commissionnaire volant, qui tourbillonne et danse dans les airs le chapeau haut-de-forme toujours en place. Il faut saluer ici l’exploit de Nicolas Bruder. Tout est vrai rien n’est faux où l’inverse comme dans un songe.
Dans l’ensemble, le plateau est équilibré et réserve de bonnes surprises alors que les prises de rôle sont nombreuses. Sans prétendre à l’exhaustivité, quelques artistes tirent plus que d’autres, à l’instar de Nicolas Bruder, leur épingle du jeu. Florie Valiquette en Tytania domine constamment son partenaire James Hall (Oberon) bien moins en forme. La voix est claire, la diction limpide et l’aisance sur scène évidente. Dominic Barberi, poly-chanteur, poly-acteur perce d’abord dans le rôle de Nick Bottom. Métamorphosé en âne, il braie à merveille en faisant des sauts de notes aiguës et il termine en Pyrame d’une expressivité redoutable jusque dans la scène de sa mort. Si l’ensemble du plateau contribue à la réussite d’ensemble, une mention particulière pour le Chœur Opéra Junior pour sa présence vocale et scénique et à son chef de chœur Vincent Recolin pour le travail accompli.
Depuis la fosse, le chef Tito Muñoz coordonne le plateau et la fosse avec une indéniable agilité. Richesse des couleurs, belles sonorités, onomatopées et autres gestes musicaux comiques souvent issus des percussions suivent les personnages. Rien ne manque ni le rêve, ni le dynamisme, ni la féérie.
Quoiqu’en disent certains, Le Songe d’une nuit d’été mis en scène par Ted Huffman avec Tito Muñoz à la baguette est une réussite. Pour ceux qui auraient encore quelques doute, l’ouvrage de Paul Watzlawick Faites vous-même votre malheur qui semblerait trop négatif pourra être avantageusement remplacé par l’un des derniers ouvrages de Michel Serres C’était mieux avant, ce sera mieux après paru en 2017.
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