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Blog de mes curiosités

[Patrimoine – Crespi d’Adda – Italie] Crespi d'Adda : en guise d'hommage à mes grands-pères ouvriers

Crespi d'Adda ©Théodore Charles/un-culte-d-art.overblog.com
Crespi d'Adda ©Théodore Charles/un-culte-d-art.overblog.com

Coincé dans la confluence de l’Adda et du Brembo, le visiteur pense d’abord, amusé à une sorte de jeu de piste puis, contrarié, à une sorte de farce puis, furibard, souvent renonce faute de panneaux qui indique ce site… classé au patrimoine mondial de l'humanité établi par l'Unesco. Il faut carrément arriver au bord de la commune de Capriate San Gervasio proche de Bergame pour trouver Crespi d'Adda, nom de la cité ouvrière du XIXème siècle bâtie par la famille Crespi.

Dans la lignée des patrons éclairés, chrétiens ou libéraux du XIXème, les Crespi souhaitent à la fois se lancer dans l’aventure capitaliste avec une usine de tissage, durant la première révolution industrielle en Italie et de prendre soin de "leurs" ouvriers en leur offrant des conditions de vie qui, pour l’époque, semblent fort avantageuses.

Le site de confluence des deux cours d’eau permet aux Crespi, Cristoforo Benigno d’abord puis Silvio son fils par la suite, de profiter de vastes terrains dont personne ne veut pour implanter les grandes unités industrielles, profiter de la force motrice de l’eau et surtout construire leur utopie : un "Village idéal au travail" à côté de leur usine.

Ainsi, "depuis le berceau jusqu'au cercueil", de son château, l’entrepreneur Crespi veille sur son monde d’ouvriers auxquels il a attribué une maison avec un jardin et un potager, maisons souvent jumelles, veille sur les services nécessaires à leur épanouissement : une église, une école, un hôpital, un centre culturel, un théâtre, un stade, des thermes, une caserne de pompiers, amène, grande première l’éclairage publique dans la cité, veille sur le trépas de tous.

Mais le collectivisme n’empêche pas l’empreinte sociale du lieu. La grande rue sépare le site en deux entités opposées : l’usine le long de l’Adda et les maisons des ouvriers de l’autre. Les services publics école, thermes dispensaire et église forment le cordon sanitaire entre les deux mondes, les deux temps de la vie de l’ouvrier. Le château du patron est en revanche isolé à côté de l’usine entouré de hauts murs tandis que les notables : le médecin et le curé sont logés sur les hauteurs. L’utopie paternaliste se marque topographiquement jusqu’au cimetière qui, comme la fin de vie, se situe au bout d’une route sans retour mais où les patrons enfouis dans un mausolée sont entourés de leurs ouvriers aux tombes plus rustres.

Las ! Le paternalisme ne résistera pas davantage que d’autres utopies au temps et l’expérience Crespi d’Adda mourra avec la faillite de l’usine lors de la crise mondiale, avec les événements qui secoueront l’Italie puis l’Europe à cette époque et par les changements de la condition ouvrière.

L’intérêt du site réside dans sa conservation : tout semble s’être assoupi. En fait le site industriel suivra crise après prospérité, prospérité après crise, les aléas de tout site industriel européen et survivra jusqu’en 2004 l’empêchant de sombrer dans le délabrement. Les maisons occupées par nombre de descendants d’ouvriers d’alors se sont embellies et l’emplacement même du site, loin des voies de communication majeures a empêché sa reconversion en une zone commerciale.

S’il veut vivre en tant que mémoire, Crespi d’Adda, heureusement classé par l’UNESCO au titre de la mémoire ouvrière et de la mémoire utopiste, doit cependant trouver un juste équilibre entre le mausolée qu’il tend à devenir (Valorisation a minima, indications spartiates, accessibilité non visible) et le parc d’attraction qu’il ne doit surtout pas devenir. Il ne manque à ce site aucune bonne volonté, il manque simplement à ce site un projet structurant qui pourrait faire résonner encore le brouhaha pendulaire du monde ouvrier quand il entre et quitte l’usine.

La Sortie de l'usine Lumière à Lyon fut le premier film tourné avec le Cinématographe des frères Lumière. Une mémoire industrielle est donc un fabuleux matériau de mémoire et de création artistique, Crespi d’Adda en a les vertus, Crespi d’Adda en aura-t-il un jour l’ambition ?

Cité ouvrière Crespi d'Adda ©Théodore Charles/un-culte-d-art.overblog.comCité ouvrière Crespi d'Adda ©Théodore Charles/un-culte-d-art.overblog.comCité ouvrière Crespi d'Adda ©Théodore Charles/un-culte-d-art.overblog.com
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Cité ouvrière Crespi d'Adda ©Théodore Charles/un-culte-d-art.overblog.com

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