[Musique – Opéra de Toulon-Provence-Méditerranée – Toulon] « Wonderfull town » ? No ! Wonderfull afternoon !

Un peu plus d’un an après avoir signé la mise en scène de Sweeney Todd, Olivier Bénézech est de retour sur la scène toulonnaise avec  une œuvre  de Léonard Bernstein qui n’a jamais été donnée en France : Wonderfull Town. Composée en un mois, Wonderfull Town précède de quatre ans West Side Story et scelle l’alliance de Leonard Bernstein avec les auteurs du mythique Singing in the Rain (Chantons sous la pluie). Que Wonderfull Town emprunte à l’un tout en annonçant l’autre n’en fait cependant pas une œuvre mineure, ni une œuvre de transition mais explique sans doute son absence des scènes françaises. Voilà qui est réparé.

Wondefull Town ? C’est évidemment New-York, véritable miroir aux alouettes du rêve américain et de l’American Way of Live avec sa part de rêves, sa part d’angoisse, sa part de déception, etc. L'action se déroule durant l'été 1935, à Greenwich Village où deux sœurs, Ruth Sherwood et sa cadette Eileen, débarquent de leur Ohio natal. L’une se rêve en grand écrivain, la seconde désire être danseuse ; la première veut se concentrer sur son objectif, la seconde n’a rien contre quelques frivolités de passage. C’est le rêve américain dans toute sa splendeur que la comédie musicale dans sa grande frénésie transforme évidement en un parcours du combattant débouchant sur… l’amour.

Dans la fosse Larry Blank ne laisse aucun temps mort, l’orchestre de Toulon se met à l’heure américaine et au tempo new-yorkais, et montre une fois de plus sa faculté d’adaptation à toutes les musiques, tous les styles et toutes les directions. Que serait une comédie musicale sans chorégraphie ? Rien ! Et Johan Nus montre toute l’étendue de son talent pour imprimer au groupe entier un tempo chorégraphique échevelé avec une précision du geste dansé digne des meilleurs horlogers suisses. Rien n’est inutile, tout est hyper-précis, les différents styles de danse entrent en symbiose à l’instar du melting-pot new-yorkais, tout fait sens. Il ne laisse aucun temps mort et imprime à l’ensemble le juste tempo. Enfin en grand démiurge, Olivier Bénézech nous fait oublier définitivement son trop sage Street Scene de Kurt Weill qu’il avait signé en 2010 et renoue avec le succès de Sweeney Todd l’an dernier. Là aussi tout fait sens et son inventivité ne semble connaître aucune limite, se répercutant jusque sur la vidéo représentant la course poursuite de Ruth aux prises avec les marins cubains transformés à l’écran en une gigantesque partie de Packman.  

Sur le plateau, les gestes sont précis, les voix sont splendides. Délicat  devant cette déferlante de ne pas citer tout le plateau réellement exceptionnel mais comme il faut avoir recours à la métonymie pour saluer tout le monde saluons l’irrésistible Thomas Boutilier (Wreck) aussi doué pour le football américain que pour le repassage ! ou encore Maxime de Toledo (Robert Baker) déjà convaincant dans Sweeney Todd et dont l’interprétation évoque un personnage à la Hugh Grant. Rafaëlle Cohen campe une merveilleuse Eileen Sherwood, ingénue non farouche mais, évidemment, Jasmine Roy réalise une véritable performance (et un véritable triomphe à l’applaudimètre) dans le rôle de Ruth Sherwood, chantant dans toutes les positions, se sortant de toutes les contraintes physiques liées à son rôle et rien ne lui aura réellement été épargné.

Hormis deux ou trois rabat-joie le public toulonnais a réservé une ovation à ce spectacle qui s’impose déjà et devrait si les programmateurs le veulent s’imposer davantage dans les années qui suivent. Il serait en effet dommage qu’un tel travail ne retombe comme un soufflé faute de distributeurs !