17 Janvier 2017
Œuvre après œuvre, Kader Attou, directeur artistique de la Compagnie Accrorap et du Centre Chorégraphique National de La Rochelle/Poitou-Charentes, cherche, questionne, pose des jalons, laisse quelques traces, rebondit mais que cherche-t-il ? Le voyage assurément mais le voyage est-il physique ? Spirituelle ? Symbolique ? Initiatique ? Tout cela à la fois ?
Dans Roots, le Hip-hop naissait d’un vieil électrophone qui faisait résonner Break Machine et son célèbre single Street dance (http://un-culte-d-art.overblog.com/2015/05/danse-theatre-de-grasse-the-roots-de-kader-attou-accrorap-et-le-hip-hop-entra-au-repertoire.html). Sur cette évocation onze danseurs, replaçait le hip-hop dans ses origines et son contexte. Dans Opus 14, ce sont seize danseurs dont seulement deux femmes qui forment un véritable corps de ballets. Le Hip-hop se fait très collectif, laissera sa place aux individualités mais, sciemment, Kader Attou questionne le groupe, l’ensemble, la place de l’individu dans cet ensemble, les tensions qui en résultent, les souvenirs qu’il laisse et donc l’inconscient collectif.
A la manière de la théorie des dominos, les corps réagissent souvent en chaine par réactions successives à un contact : le système action-réaction questionne la ressemblance, la différence, l’acculturation, la singularité et convoque véritablement en dehors de tout mouvement hip-hop un autre roi du mouvement : Charlie Chaplin lui-même. Comment en effet ne pas voir, dans cette série de réactions en chaine des corps, la référence au film le Cirque de Charlie Chaplin quand Charlot poursuivi par la police se transforme en automate exécutant à répétition le même geste, s’intégrant parfaitement dans cette grande construction mécanique dont il semble être le moteur tout en y étant l’élément étranger ?
Puis ces corps qui fonctionnent par réactions réagissent soudain à l’unisson se muant en autant de mers, de vagues, de ressacs, de rivages, de voyages potentiels : la chorégraphie se fait odyssée sous nos yeux. L’odyssée finit par se faire intérieure lorsque lentement, dans un craquement d’électrophone encore une fois, monte la voix d’Enrico Caruso qui reviendra une fois dans sa version vinyle, une fois dans sa version accordéon, une fois dans sa version piano désaccordé. Que chante Enrico Caruso? La complainte de Nadir extrait des Pêcheurs de perles de Georges Bizet.
Je crois entendre encore, Caché sous les palmiers, Sa voix tendre et sonore Comme un chant de ramier Ô nuit enchanteresse ! Divin ravissement ! Ô souvenir charmant ! Folle ivresse ! Doux rêve ! Aux clartés des étoiles, Je crois encore la voir Entrouvrir ses longs voiles Aux vents tièdes du soir Ô nuit enchanteresse, Divin ravissement, Ô souvenir charmant ! Folle ivresse ! Doux rêve ! Divin souvenir ! Ô souvenir charmant ! chante Nadir/Caruso dans sa complainte qui clôturera le spectacle.
Entre références à Charlie Chaplin et référence à Georges Bizet et à Enrico Caruso c’est à un voyage dans notre inconscient que Kader Attou nous invite : il nous ramène sur les rivages de nos souvenirs et des siens, sur les berges des évocations de notre enfance, sur nos références visuelles et sonores tout simplement. Si Roots avait rattaché le hip-hop contemporain à une filiation chorégraphique, Opus 14 relie le mouvement Hip-hop à une histoire des Arts beaucoup plus large : celle des constructions artistiques et culturelles de notre enfance et de notre adolescence, celle de nos valeurs communes qui se construisent par vagues successives
Opus 14 - Kader Attou - Compagnie Accrorap - CCN La Rochelle ©Théodore Charles/un-culte-d-art.overblog.com
Centre Chorégraphique National de La Rochelle
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