[Musique – Opéra – Teatro Carlo Felice – Genova (Gènes)] Tout le monde en pince pour Billy Budd

Adapté de la nouvelle éponyme d’Herman Melville, Billy Budd, l’opéra de Benjamin Britten se déroule à bord de l’Indomptable pendant la guerre entre le Royaume-Uni et la France révolutionnaire de l’été 1797. Ne cherchez pas la femme ! La particularité de cet opéra, quasiment unique, est d’être chanté uniquement par des voix d'hommes. Même De la maison des morts de Leoš Janáček fait intervenir dans un univers quasiment entièrement masculin, une seule figure féminine : une prostituée.

Fonctionnant comme un gigantesque flash-back, l’opéra fait intervenir en prologue, le capitaine britannique Edward Fairfax Vere, hanté par un épisode tragique de sa vie où il a été mis à l’épreuve. Il s’interroge sur la nature du bien et du mal.

L’épisode tragique est celui de Billy Budd, jeune matelot d'une beauté frappante. Il n'a aucun défaut si ce n'est celui de bégayer sous le coup de l'émotion. La profonde aversion que lui voue John Claggart, le capitaine d'armes du vaisseau, est proportionnelle à l’amour que Billy Budd provoque autour de lui. L’histoire entretient d’ailleurs le doute sur l’attirance paradoxale que Claggart éprouve pour le jeune Billy. Accusé par Claggart d’être à l’origine d’une mutinerie, Billy sous le coup de l’émotion bégaie sans pouvoir s’expliquer. Sa seule défense est de frapper Claggart qui meurt sur-le-coup. Condamné à la pendaison par une cour martiale composée des officiers du navire, la sentence est exécutée sur les derniers mots de Billy : « Starry Vere, que Dieu vous bénisse ! ».

L’équipage d’un bateau étant par définition nombreux et masculin, les chœurs féminins du teatro Carlo Felice se sont retrouvés au chômage technique et remplacés sans autre forme de procès par les chœurs tout aussi masculins du Teatro Nacional de São Carlos de Lisbonne.

Avec son aspect d’éternel adolescent, Phillip Addis est le Billy Budd idéal. Ses qualités vocales et scéniques le rendent naturellement central. Si, sur scène, tout le monde en pince pour Billy Budd, dans la salle tout le monde en pince pour Phillip Addis. Sa voix porte, il est souple, agile, alerte quand il le faut, maladroit et encore plus attachant quand la situation l’exige. Sous son air « doux comme un agneau », Graeme Broadbent se mue en un John Claggart impitoyable apportant le contre-point nécessaire à Phillip Addis. Quant à Alan Oke, il campe un capitaine Edward Fairfax Vere, qui ne craint ni le roulis, ni le vertige.

En effet, le dispositif scénique proposé par le metteur en scène Davide Livermore, déjà remarqué dans ce même théâtre pour la mise en scène de Tosca en décembre dernier, travaille à la fois sur les verticales et les mouvements du bateau. Bily Budd s’élève dans les airs lors de sa pendaison et le capitaine Vere, telle la vigie de l’histoire, chante du haut d’une hune au début et à la fin de l’œuvre. Les déplacements de Davide Livermore sont précis ; chanteurs et choristes sont priés d’être attentifs car le plateau scindé en trois parties s’élève et s’abaisse au gré de l’histoire symbolisant à la fois le tangage, le roulis et les différents ponts du navire.

A la direction musicale, Andrea Battistoni complète un plateau artistique auquel décidément il ne manque rien ni en qualité, ni en précision, ni en musicalité.

Du grand art !