[Cinéma – Le Rialto – Nice] « Mes Provinciales »… éternelle jeunesse

Laisser filer autant de temps entre la vision d’un film et l’écriture permet de voir ce qu’il en reste. Mes Provinciales de Jean-Paul Civeyrac , découvert à la Quinzaine des Réalisateurs avec le sombre Des Filles en noir en 2010, fait partie de ces films qui restent et questionnent longtemps après encore faut-il ne pas rejeter immédiatement l’œuvre au motif qu’elle serait parisianiste, intello, objet à étalement des références.

Et des références, il y en a ! Les références sont d’abord formelles : le film tire vers le vaguement anachronique en noir et blanc avec cette voix off qui accompagne le film à la manière des Contes des quatre Saisons d’Eric Rohmer. Le titre ensuite est clairement une référence à Pascal (Les Provinciales ou selon le titre complet : Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis et aux RR. PP. Jésuites sur le sujet de la morale et de la politique de ces Pères) sans doute trop soulignée dans le film. Si les Provinciales de Pascal constituent une œuvre de controverse, Mes Provinciales est également une œuvre de controverse sur deux visions du cinéma, deux approches de la création alimentée voire électrisée par la fougue de la jeunesse.  

La jeunesse, filmée en mode marivaudage… autre référence, filmée dans ses interrogations, dans sa violence, dans sa radicalité, dans sa fraicheur, dans son mal-être est maladroite comme toute jeunesse ce que renforce le jeu d’acteurs  débutants ou peu expérimentés pour certains. Le film est une mise en  abyme en même temps qu’un film miroir… voire rétroviseur sur la jeunesse d’aujourd’hui, la nôtre, celle d’avant encore. Le film tente de capter l’oisiveté, l’insouciance mais aussi les doutes ou l’engagement de cette jeunesse qui se cherche, qui débute sa vie d’adulte à l’université ou dans les écoles de cinéma comme ici et qui se retrouve en proie aux doutes sentimentaux, politiques ou professionnels.

En fait Jean-Paul Civeyrac adopte un ton juste, intemporel pour parler de la jeunesse actuelle qui se trouve confrontée aux mêmes angoisses, aux mêmes doutes et aux mêmes choix que la génération précédente et peut-être celle d’avant encore. Le décor change, les modes se suivent,  la société évolue mais il reste quelque chose qui pourrait se rapprocher de la longue durée définie par Fernand Braudel : la position de l’homme à l’aube de sa vie d’adulte qui semble elle immuable.