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Blog de mes curiosités

[Musique - Opéra de Monte Carlo] "Stiffelio" : l’âme fatale

[Musique - Opéra de Monte Carlo] "Stiffelio" : l’âme fatale

Opéra en trois actes de Giuseppe Verdi créé le 16 novembre 1850 et, donc, contemporain de Rigoletto, Stiffelio est resté dans l’ombre, de sa création jusque dans les années 1960, après avoir été victime de la censure. En effet, les tenants de la « bonne moralité » n’étaient pas prêts à laisser voir sur scène une histoire d’adultère dans la maison d’un pasteur. Certain de sa qualité musicale, Verdi métamorphosa Stiffelio en un drame moyenâgeux sous le nom d’Aroldo.

Un opéra censuré qui subit une métamorphose socio-spatio-temporelle tout en conservant sa musique offre toutes les mises en abîme possibles pour un metteur en scène. Il est étonnant que cette œuvre ait été si longtemps boudée.

Ovationné par l’orchestre Philharmonique de Monte-Carlo à son entrée comme à la reprise, le chef d’orchestre Maurizio Benini nous convainc dès la très longue ouverture dont la légèreté tranche avec l’austérité des personnages. Avec une très grande précision, il emmène l’orchestre vers ce qu’il peut donner de mieux contribuant ainsi très largement par la confiance et la complicité qu’il a su manifestement installer, à la réussite d’ensemble.

Le metteur en scène Guy Montavon est revenu au texte d’origine, a beaucoup travaillé ses personnages et l’ambiance qui sied à la situation. Hormis le rouge carmin de Raffaele qui le transforme en fleur vénéneuse pour femme fragile, tout est gris, noir ou blanc dans cet opéra.

Pour ramener les hommes à leur juste taille devant le divin, les verticalités de la scénographie renforcées par des pylônes écrasent les hommes comme une cathédrale gothique écrase les fidèles mais sans ses statues, ses tapis, ses vitraux, protestantisme oblige.

Partout, d’ailleurs, les fondamentaux du protestantisme sont présents : Le Livre, l’Evangile, seule vérité, grossira à mesure de l’avancée de l’action, il ira jusqu’à s’imposer par sa taille à Stiffelio dans la dernière scène pour mieux le ramener à son devoir de chrétien en pardonnant, comme le Christ devant la femme adultère.

L’omniprésente table pouvant accueillir de nombreux convives symbolise non seulement la cène, un des deux sacrements protestants mais elle sert également de lieu de rencontre, de barrière, d’affrontement idéologique. Jamais d’ailleurs, personne ne s’en servira comme d’une table de partage, comme si le symbole même était entaché.

Entachée par quoi ? Mais par l’héroïne toujours isolée du groupe que ce soit au début de l’action sur sa chaise sur le devant de la scène de la scène, ou au dernier acte, contre le mur devant le crucifix projeté. Elle est là, comme prédestinée au péché, comme Eve.

Et partout et tout le temps de l’action, les crucifix, seuls objets autres que livres en ces lieux, seront eux-mêmes détournés de leur fonction se transformant en objets potentiels de combat, poignards ou assommoirs sans aller jusqu’à l’irrémédiable, rappelant ainsi Matthieu « Celui qui prendra le glaive périra par le glaive ».

Que dire de plus, sur cette splendide proposition artistique ? L’accord parfait entre les voix et le jeu d’acteur : certes Nicola Alaimo, par sa stature, son aisance et sa voix écrase tout sur son passage au risque de chiper la vedette aux autres mais José Cura en Stiffelio amoureux, Virginia Tola en Lina éplorée ou Bruno Ribeiro en Raffaele, séduisant par sa banalité, campent tous des personnages en plein doute extrêmement crédibles. Tout tient dans cette création à qui on souhaite longue vie.

Stiffelio : Opéra en trois actes - Musique de Giuseppe Verdi - Livret de Francesco Maria Piave d'après la pièce de Souvestre et Bourgeois, Le Pasteur ou L'Évangile et le foyer - Création : Trieste, Teatro Grande, 16 novembre 1850 - Direction musicale Maurizio Benini - Mise en scène et lumières Guy Montavon - Décors & costumes Francesco Calcagnini - Chef de chœur Stefano Visconti - Chœur de l'opéra de Monte-Carlo - Orchestre philharmonique de Monte-Carlo.

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