[Musique Baroque – Chapelle de la Visitation – Monaco] Société de Musique ancienne : « La Spirita», un concert métaphorique ?

Le second des concerts de musique baroque à la Chapelle de la Visitation à Monaco-Ville, organisés par la Direction des Affaires Culturelles de la Principauté, est réservé à la société de Musique Ancienne.  Formé de musiciens et chanteurs des Alpes-Maritimes, l’Ensemble de la Société de Musique Ancienne est, selon ses propres termes, une structure mosaïque [qui] permet d’aborder tout le répertoire de musique de chambre de cette période en recevant régulièrement chœurs et musiciens invités en son noyau fixe. Assister à un concert de la société de musique ancienne nous renvoie donc à la protohistoire de l’édition musicale indéfectiblement liée à l’essor de l’imprimerie qui, en raison des duplications qu’elle offre, a permis aux œuvres musicales du passé de parvenir jusqu’à nous.

Faut-il par conséquent voir dans le concert proposé au couvent de la visitation une proposition métaphorique de cette période musicale ? Le programme proposé s’intitule La Spiritata, du nom d’une chanson de Giovanni Gabrielli proposée ce soir. La soirée en six actes (L’annonciation, Immaculée Conception, Avent, Nuit de Noël, Nativité et Adoration/Les Rois Mages) composés de quelques pièces chacun, nous invite à un cheminement musical de l’annonciation (25 mars) à l’adoration des Rois Mages (6 janvier) encadrant la nativité, l’avènement de la lumière.  Il fait intervenir plutôt des compositeurs du XIV^ème siècle au XVI^ème siècle (Antonio de Cabezon, François de Layolle) pour la période d’avant la nativité, plutôt des musiciens  du XVII^ème pour la nativité et l’adoration (Marco Uccellini, Marc-Antoine Charpentier) pour se terminer avec Arcangelo Corelli. Faut-il donc lire le concert en ayant en tête que l’essor de l’imprimerie au XVI^ème fait sortir la musique de l’ombre des parchemins et des palimpsestes à la lumière des éditions ?

Le concert permet au spectateur selon son degré de connaissance ou d’initiation d’entendre des compositeurs qui lui sont plus familiers comme Claudio Monterverdi, Louis Couperin ou  Marc-Antoine Charpentier et de découvrir d’autres œuvres qui le lui sont moins comme le Mariam Matrem tiré du livre Vermeil de Montserrat. Le programme fait la part belle aux compositeurs latins : italiens, français ou espagnols. Pour agrémenter le parcours d’autres références, l’ensemble s’est permis d’introduire chaque acte  sur le programme par une accroche poétique de circonstance tirée des écrits de Paul Verlaine, Louis Mercier et Nérée Beauchemin, alliant là encore, poète célèbres et poète à la notoriété plus confidentielle.

Sur scène, ou plutôt dans le chœur, six artistes jouant dans des formations musicales variées, du solo à l’ensemble, proposent ce cheminement spirituel ou métaphorique des XV^ème, XVI^ème et XVII^ème siècles : Sibylle Schultz-Carrière à la viole de gambe,  Camille Mugot-Drillien au clavecin, Michaëla Chétrite, à l’orgue, Marie-Claire Bert et Michel Quagliozzi, aux flûtes à bec et Etienne Mangot au violoncelle. Ce qui impressionne le plus dans cet ensemble est l’équilibre que chaque interprète réussit à trouver avec son voisin immédiat et avec l’ensemble. De cet équilibre joint à la parfaite exécution naît en cette période éponyme un instant magique et rare où le spectateur retiendra le souffle... jusqu’au terme de cette épiphanie musicale. Bref… une adoration.