[Musique – Printemps des Arts – Salle Garnier – Monaco] Et loge pour l'ascenseur

Il n’y a pas foule à la table ronde sur l’économie de la musique organisée par le Printemps des Arts au Théâtre Princesse Grace. Les intervenants sont pourtant parfaitement calibrés pour animer les débats : Sylvie Pébrier, Inspectrice de la musique au Ministère de la Culture et de la Communication  et Sophian Fanen, journaliste et fondateur du média en ligne Les Jours encadrés par David Christoffel en modérateur-animateur. Sans doute le sujet était-il trop vaste pour être embrassé par une seule table ronde, une sous-thématique aurait été la bienvenue pour éviter cette impression d’éparpillement.

C’est en se mettant en route pour assister au concert du Printemps des Arts salle Garnier que les ennuis ont commencé. Dans l’antique ascenseur du Théâtre Princesse Grace prévu pour 6 personnes et 800 kilos, les huit occupants dont les trois intervenants et moi-même se sont retrouvés coincés entre deux étages. Était-ce la malédiction des Sequenze de Luciano Berio qui se manifestait à nouveau ? Quelques longues minutes plus tard, après avoir fait connaissance et enfin libéré par les pompiers, le groupe s’est acheminé vers la salle Garnier… pour trouver portes closes. Fort heureusement, l’ange-gardien des « coincés de l’ascenseur » était présent et c’est de la loge de la Société des Bains de Mer que le groupe a suivi le concert.  

La Sequenza IV pour piano de Luciano Berio interprétée par Julien Blanc pour intéressante qu’elle soit n’offre pas le même intérêt que d’autres notamment celles pour la flûte ou l’alto. Peut-être sommes-nous davantage habitués par les formes contemporaines du piano nous enlevant ainsi l’effet de surprise ou alors peut-être sommes-nous encore sous le choc de l’ascenseur.

Chacun attendait dans le groupe le Three Quarter-Tone Pieces pour deux pianos de Charles Ives interprété par Bertrand Chamayou et Tamara Stefanovich. Cette pièces composée sur une période de plus de vingt ans dans le secret qui sied à Charles Ives est l‘exemple type de ce qu’un pionnier de la musique expérimentale peut produire. Charles Ives dans cette pièce a décidé d’accorder différemment deux pianos avec un décalalage d’un quart de ton. Prenez les pianos séparément, ils sonnent justes, faites les jouer ensemble et il se produit alors une nouvelle harmonie très intéressante mais très instable qui peut épuiser vos sens. Les deux instruments semblent en conflit, en guerre, se répondent souvent agressivement et c’est là tout l’intérêt de cette découverte.

La Sonate pour piano n°2  Concord, Mass., 1840-1860 interprétée par Bertand Chamayou revient mettre un peu d’ordre dans une salle Garnier bousculée par l’expérience. Dans la loge, l’heure est au contentement et c’est le sourire aux lèvres que chacun goûte le programme. Interprétée avec le Three Quarter-Tone Pieces pour deux pianos, la Sonate n°2 pour Piano vient en contrepoint et le programme se trouve être une métonymie de l’œuvre de Charles Ives : musique syncrétique des phénomènes et genres musicaux qui se sont développés avec les différentes couches de l’immigration et recherche musicale pour expérimenter le son.   

Charles Ives existait, le Printemps des arts en a dressé le portrait pour ceux, nombreux, qui ne le connaissaient pas et c’est une excellente découverte.