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Blog de mes curiosités

[Théâtre-Danse – Théâtre de Grasse - Grasse] « Toute petite déjà… » : Entre 6ème étage et 7ème ciel

©Théodore Charles/un-culte-d-art.overblog.com
©Théodore Charles/un-culte-d-art.overblog.com

De loin l’illusion est parfaite, au fond de scène dans sa robe blanche de mariée, elle est là immobile bientôt rejointe par deux danseuses qui ont de l’énergie à revendre. Petit à petit seulement, à mesure que la lumière gagne en intensité, la robe de mariée se révèle être le plus prégnant des carcans, celui qui emprisonne une femme dans des traditions, des convenances, des habitudes qu’elle n’a pas forcément choisies. Elle ne devra ses déplacements qu’aux deux danseuses qui, s’étant débarrassé très tôt de leur costume d’hymen, sont parfaitement mobiles. Qui sont-elles d’ailleurs ? Des étrangères ? Des amies ? Des rivales ? L’état d’esprit de la mariée avec sa conscience et sa part d’ombre ?

Apparente sirène, nymphe ou autre personnage aquatique, fort handicapée par sa différence dans sa vie parmi les humains, la mariée tient de l’Ondine de Jean Giraudoux ou de la Rusalka d’Antonin Dvorak. Comme elles, elle occupe une place à part. Pourtant elle s’en démarque rapidement. Non la mariée n’est pas Ondine, elle n’est pas tombée amoureuse du chevalier errant, Hans von Wittenstein zu Wittenstein. Non, la mariée n’est pas davantage Rusalka, elle n’est pas l’amoureuse dépitée d’un prince volage.

Elle est tout simplement l’ « anormale », l’« asociale », la « à la marge » de la société qui lui impose ses règles. Elle est celle qui a dit oui pour ne contrarier personne, celle qui a dit oui pour ne pas faire de peine, notamment à son promis. Elle est fataliste, rebelle et fataliste à la fois, comme l’image miroir que lui renvoient ses deux acolytes danseuses. Les chaînes du mariage sont lourdes, il faut être deux pour les porter; parfois trois. La mariée ne contredira pas Alexandre Dumas, elle qui craque le jour de son mariage sur le beau moustachu. « Pas convenable » répètera –t elle en écho à la société.

Composée de deux danseuses (Audrey Valarino et Charlène Parize) et d’une comédienne (Maud Narboni), le spectacle nous apprend en se construisant que « Toute petite déjà… », elle était rebelle. Elle se remémore ses souvenirs, fait référence à ses bottes rouges comme toute danseuse se rêve dans les Chaussons rouges de Michael Powell. Elle égrène ses souvenirs comme pour gagner du temps, comme pour éloigner le calice qui se dresse devant elle après l’autel, après la fête du mariage. Elle veut fuir.

Quel subterfuge peut employer une femme qui cherche à fuit un amour tant importun qu’inopportun ? La réponse est mythologique, elle se transforme, elle se métamorphose et contrairement à la Rusalka métamorphosée avant le mariage, la mariée devient Daphné fuyant Apollon, elle se transforme non en laurier rose comme sa mythique consœur mais en arbre.

En une heure, La Compagnie Le 6ème Etage de Jeff Bizieau et Pascal Renault nous fait virevolter dans son univers sur fond d’images (un peu trop ?) forestières en noir et blanc qui ne se coloriseront qu’à la métamorphose. Les deux compères illustrent ainsi brillamment dans cette fable de notre temps le propos d’Oscar Wilde qui jugeait fort opportunément que "Le mariage est la principale cause de divorce" … surtout avec soi-même ?

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