3 Mars 2015
Monter les Contes d’Hoffmann d’Offenbach est avant tout une entreprise périlleuse qui met en avant une triple difficulté :
Dans mes pérégrinations, deux versions fondamentalement antagonistes me servent de repères en attendant mieux …et pire. Pour le pire, la proposition de Nicolas Joël au Teatro Regio de Turin en 2009, avec scénographie écrasante et hyperréaliste qui élimine ipso-facto le fantastique et un diable très, très léger, tient largement la corde. Pour ce qui est du meilleur, je retiens la proposition de Laurent Pelly à l’opéra de Lyon avec Patrizia Cioffi tenant les quatre rôles féminins, Laurent Alvaro endiablé à souhait et Cyrille Dubois en valet multiple.
Où situer la proposition du metteur en scène italien Nicola Berloffa dans cette échelle tout à fait personnelle ?
Nicola Berloffa à défaut de choisir une interprète unique pour Olympia, Antonia, Giulietta et Stella, propose un décor unique qui évolue à la marge dans les différents actes : toute l’histoire se déroulant dans la taverne où le passé d’Hoffmann défile, tenir l’ensemble dans un même lieu a donc du sens. A cour, trône une gigantesque cheminée, propice aux apparitions diaboliques ou ectoplasmiques, à jardin, un mur se couvrira tantôt de portraits, d’un bar, d’une niche etc.
Marc Laho, annoncé comme souffrant, a la grande intelligence de ne pas prendre de risques inconsidérés pour tenir le rôle jusqu’au final. Dans les rôles féminins, Gabrielle Philiponet tire son épingle du jeu dans le double rôle d’Antonia et de Stella, voix claire et diction parfaite ce qui est loin d’être le cas pour Bénédicte Roussenq (Giulietta) ou pour Ekaterina Lekhina (Olympia) qui ne se risque qu’à peu de rajouts dans Les Oiseaux dans la charmille mais qui tient, en revanche, sa gestuelle mécanique parfaite pendant tout l’acte. A l’inverse, Simone Alberghini tient vocalement les diables mais n’habite pas assez le personnage : les rires sardoniques ne percent pas, il ne glace pas, en gros il est prometteur mais encore trop gentil. Jérôme Billy en valets monte l’étendue de sa capacité à se métamorphoser passant d’un Cochenille version Madame Doubtfire à un Franz désopilant. Quant à Sophie Fournier, elle fait merveille dans le double rôle de Nicklausse et de La Muse.
Le côté fantastique n’est pas négligé par la mise en scène. Nicola Berloffa tire habilement partie de la cheminée gigantesque qui va permettre au diable d’apparaître et de disparaître à sa guise. En fond de scène, un espace dédié aux apparitions fonctionne comme un subconscient dont la barrière avec le conscient est matérialisée par un rideau. Enfin, la poupée mécanique est accompagnée par le chœur transformé en une armée d’automates qui me fait penser aux deux personnages des baromètres kitsch de mon enfance avec le bavaro-tyrolien en culotte de peau qui sort lorsqu’il fait beau et sa femme qui sort quand l’humidité se fait sentir. Tout n’est certes pas parfait dans la gestuelle du chœur mais, de plus en plus sollicité par les différentes mises en scène, il faut lui rendre cet hommage de tout faire pour s’intégrer scéniquement à l’intrigue.
L’orchestre est dirigé par Emmanuel Plasson qui semble peu inspiré. Cela se vérifie notamment dans la Barcarole où le décalage entre l’orchestre et le plateau s’entend.
Même si j’ai l’air très critique avec ces Contes d’Hoffmann, ne vous y trompez pas ! La proposition de Nicola Berloffa demeure très intéressante, plutôt classique mais de bon aloi. Je ne saurais trop vous conseiller, s’il reste évidemment des places, d’y assister ce mardi soir (3 mars 2015) ou vendredi prochain.
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Sophie Fournier